En croisant Virgile Raingeard pour la première fois, vous pourriez penser que sa qualité principale est son bagout ou sa gouaille. Pourtant, c’est sa transparence qui a mené cet ex DRH à lever 6,8 millions d’euros pour Figures. Aux côtés de Bastien Formery, rencontré chez Comet, une start-up de mise en relation entre travailleurs indépendants et entreprises dans le domaine tech et data, ils ont l’idée de créer un service dédié aux ressources humaines. Baptisé Figures - chiffres en anglais - comme ceux qui composent les salaires des collaborateurs. Un secret en général bien gardé par les services RH. Surtout, de l’aveu du boss de 37 ans, dans la culture française où parler salaire est tabou. Figures lève le voile sur les salaires et avantages de plus de 1100 entreprises dont un tiers dans l’Hexagone, soit plus de 75.000 personnes. Parmi ses clients on compte les mastodontes Leroy-Merlin, BNP Paribas, Société Générale, SNCF Connect, Décathlon, ou encore des filiales de LVMH. Leur intérêt ? Disposer d’un cadre de référence pour proposer la bonne rémunération à la bonne personne. En bref, capter et retenir les talents à l’heure où les grandes marques recruteurs jouent du coude à coude pour capter les meilleurs.
Interview de Virgile Raingeard
FUTURZ - C’est quoi le bon mix pour récompenser tous ses collaborateurs de manière juste ?
G. C. - Il n’existe pas de recette magique. Chaque boîte doit pouvoir trouver son propre mix et bien l’expliquer.
Est-ce que tu arrives à dégager certaines tendances ?
G. C. - Ce que l’on observe, c’est que trouver des rétributions propres à la boîte, alignées avec sa culture, très bien expliquées et vendues : ça fonctionne ! Ce qui ne marche pas, c’est de proposer une foule de trucs que l’on explique mal et que l’on vend mal. Je te donne un exemple : ça ne sert à rien de donner plein de BSPCE si on ne les explique pas. Il existe des boîtes qui en distribuent à tout le monde, sauf que personne ne les comprend, ne les valorise et personne ni même sait ce que c’est. Donc, ça ne sert absolument à rien pour attirer et retenir des talents. Il existe un truc très émotionnel dans la distribution d'avantages. L’employeur branding c’est comme du marketing, tu vois ?
Je vois. Heu, en fait non. Je ne vois pas. Explique-moi ça.
G. C. - Le recrutement, c’est comme du sales et du marketing. Il faut arriver à bien marketer ton offre. Imagines : tu sors un produit génial, avec 20 millions de fonctionnalités. C’est trop et personne ne comprend rien. C’est pour ça qu’Apple fait des pubs du ouf qui marquent les esprits. Parce que c’est simple.
D’accord. Alors disons que tu es le Steve Jobs des RH, comment fais-tu pour bien marketer un package ?
G. C. - (Rire) Je ne pense pas être le Steve Jobs des RH. Mais pour faire court, il faut arriver à bien expliquer, le pourquoi, le comment ça marche, mettre en avant comment c’est différenciant, et arriver à le faire vivre. Prends l’exemple de Malt. La boîte a mis en place un congé d’ancienneté. Au bout de trois ans, on t’offre un mois de congés payés. L’entreprise communique autour d’employés qui l'ont utilisé : « Machin est parti en backpacking en Asie. Machine a organisé son expo photo avec la Mairie de Paris. » Tu imagines comme c’est vendeur ?
Il existe un truc très émotionnel dans la distribution d'avantages.
J’imagine bien Virgile.
G. C. - Au final, cette offre représente une toute petite partie des collaborateurs en startup, mais elle a un impact énorme. Ça active dans la tête du candidat quelque chose d’irrationnel. Ça crée une réponse émotionnelle. Ce qui est la fin du marketing.
Tu as créé un outil qui est une espèce d’immense comparateur pour savoir où on se situe en matière de rémunération salariale. Pourtant, tu as l’air de dire que ce qui est important, lorsqu’on propose un package, c’est de faire appel à l’imaginaire. Est-ce que ce n’est pas un peu contradictoire ?
G. C. - Il existe un alignement. Tu dois savoir où tu te situes par rapport au marché, où tu veux intentionnellement te positionner et avoir choisi les éléments différenciants qui vont plaire aux candidats. Chez Figures, en matière de salaire, on se situe dans la moyenne du marché, on ne veut pas payer mieux, ni moins bien. Nos éléments différenciant autour de l'equity c’est d’être archi transparent et d’expliciter comment on construit notre grille de salaire, sur quelles données on se base, quel package pour nos offres. Tout est affiché.
Est-ce qu’il existe des manques dans la législation française et européenne dans la distribution d’equity ?
G. C. - Oui, il existe des manques dans la distribution de l’equity à l’international. Parce que c’est l’enfer pour partager la valeur de l’entreprise aux collaborateurs internationaux, s’ils ne sont pas Français ou appartenant à une filiale française. On étudie des solutions depuis plus de 6 mois pour combler ce gap et c’est super compliqué.
2022, presque 7 millions d’euros levés. Est-ce que pour toi c’est la preuve d’intérêt grandissant pour le marché de la rémunération salariale ?
Oui, entre autres ! C’est un sujet qui se professionnalise, un sujet d’outillage, de bonnes mesures, de bonnes décisions, avec le maximum d’efficacité.